L’inhalation d’odeurs corporelles constitue un phénomène complexe dont les causes et origines impliquent de multiples facteurs biologiques, environnementaux et pathologiques. Ces émanations, souvent perçues comme désagréables, résultent d’interactions sophistiquées entre notre physiologie, notre génétique et notre environnement. Pour les chercheurs en santé environnementale et médecine du travail, comprendre les mécanismes sous-jacents à la production et à l’inhalation de ces odeurs est essentiel pour développer des stratégies préventives et thérapeutiques efficaces.
La bromhidrose (odeur corporelle désagréable) et l’hyperhidrose (transpiration excessive) représentent deux manifestations distinctes mais souvent liées qui affectent significativement la qualité de vie des individus concernés. Ces conditions impliquent des altérations du microbiote cutané, des variations du métabolisme et des interactions avec l’environnement immédiat. L’étude des composés organiques volatils (COV) émis par le corps humain offre une fenêtre d’observation privilégiée sur ces phénomènes.
Dans cet article, nous examinerons en détail les fondements biochimiques, génétiques et environnementaux des odeurs corporelles, ainsi que les mécanismes par lesquels ces substances volatiles sont libérées dans l’air et potentiellement inhalées. Nous analyserons également les implications pour la qualité de l’air intérieur et les risques potentiels d’exposition professionnelle à ces composés.
Causes générales de l’inhalation d’odeurs corporelles
L’inhalation d’odeurs corporelles est un phénomène qui découle principalement de la production et de la dispersion de composés volatils générés par le corps humain. Ces composés sont ensuite transportés dans l’air ambiant où ils peuvent être inhalés par la personne elle-même ou par d’autres individus à proximité.
Mécanismes de la transpiration
La transpiration constitue le principal vecteur des odeurs corporelles. Le corps humain possède deux types principaux de glandes sudoripares qui contribuent différemment à la production d’odeurs :
- Glandes eccrines : Distribuées sur presque toute la surface corporelle, ces glandes produisent une sueur principalement composée d’eau et d’électrolytes. Cette sueur est généralement inodore à l’émission, mais peut servir de milieu pour la prolifération bactérienne ultérieure.
- Glandes apocrines : Concentrées dans les zones axillaires, génitales et périanales, ces glandes sécrètent une sueur plus riche en lipides, protéines et stéroïdes. Cette composition complexe fournit un substrat idéal pour les bactéries cutanées, conduisant à la production de composés odorants.
La production de sueur est régulée par le système nerveux autonome, principalement en réponse à des stimuli thermiques, émotionnels ou hormonaux. L’hyperhidrose, caractérisée par une transpiration excessive, peut significativement amplifier les problèmes d’odeurs corporelles en fournissant davantage de substrat pour l’activité microbienne. Cette condition peut être primaire (idiopathique) ou secondaire à d’autres pathologies comme l’hyperthyroïdie ou certains troubles neurologiques. Comprendre les différentes causes de la transpiration excessive permet d’identifier les approches thérapeutiques appropriées.
Facteurs influençant l’odeur
La transformation de la sueur inodore en composés malodorants est principalement due à l’action du microbiote cutané. Ce processus implique plusieurs mécanismes biochimiques :
- Lipolyse et protéolyse : Les lipases et protéases bactériennes hydrolysent les lipides et protéines présents dans la sueur, produisant des acides gras volatils comme l’acide butyrique et l’acide isovalérique.
- Métabolisme des acides aminés : Certaines bactéries dégradent les acides aminés comme la leucine, produisant des composés odorants comme l’acide propionique.
- Production de stéroïdes odorants : Les bactéries transforment les stéroïdes présents dans la sueur apocrine en composés comme l’androsténone et l’androsténol.
Le tableau ci-dessous présente les principaux composés responsables des odeurs corporelles et leurs caractéristiques :
Composé chimique | Odeur caractéristique | Origine principale |
---|---|---|
Acide butyrique | Beurre rance | Dégradation des lipides par Corynebacterium |
Acide isovalérique | Fromage, pieds | Dégradation des protéines |
3-méthyl-3-sulfanylhexan-1-ol (3M3SH) | Sueur, oignon | Métabolisme de Staphylococcus hominis |
Androsténone | Musc, urine | Transformation des stéroïdes |
La composition du microbiote cutané varie considérablement entre les individus et les différentes régions du corps, expliquant la grande diversité des profils d’odeurs corporelles. Les espèces bactériennes prédominantes impliquées dans la production d’odeurs incluent :
- Corynebacterium spp. : Produisent des acides gras volatils à chaîne courte responsables des odeurs butyriques.
- Staphylococcus spp. : Métabolisent les acides aminés et les lipides, contribuant à des odeurs soufrées.
- Cutibacterium acnes (anciennement Propionibacterium acnes) : Produit de l’acide propionique, donnant une odeur aigre.
Causes spécifiques et facteurs aggravants
Au-delà des mécanismes généraux, plusieurs facteurs spécifiques peuvent causer ou aggraver les odeurs corporelles et leur potentiel d’inhalation. Ces facteurs peuvent être intrinsèques (liés à la physiologie de l’individu) ou extrinsèques (liés à l’environnement et aux habitudes).
Causes médicales et hormonales
Certaines conditions médicales peuvent significativement altérer la production et la composition des odeurs corporelles :
- Triméthylaminurie (TMAU) : Cette condition génétique rare, également appelée « syndrome de l’odeur de poisson pourri », résulte d’un déficit en flavine monooxygénase 3 (FMO3), une enzyme hépatique qui métabolise la triméthylamine (TMA). L’accumulation de TMA entraîne une odeur caractéristique qui peut être détectée dans la sueur, l’urine et l’haleine.
- Diabète : La cétose diabétique peut produire une odeur fruitée ou d’acétone dans l’haleine et la sueur, due à la production excessive de corps cétoniques.
- Insuffisance rénale : L’accumulation d’urée peut conférer une odeur ammoniacale à la sueur.
- Maple Syrup Urine Disease (MSUD) : Cette maladie métabolique affecte le métabolisme des acides aminés à chaîne ramifiée, entraînant une odeur caractéristique de sirop d’érable.
Les fluctuations hormonales peuvent également influencer significativement la production d’odeurs corporelles :
- Androgènes : Ces hormones stimulent l’activité des glandes apocrines, augmentant la production de substrats pour les bactéries cutanées.
- Hormones thyroïdiennes : L’hyperthyroïdie peut augmenter la transpiration et, par conséquent, l’intensité des odeurs corporelles.
- Variations du cycle menstruel : Les fluctuations hormonales pendant le cycle menstruel peuvent modifier temporairement la composition de la sueur et l’activité des glandes apocrines.
Rôle de l’alimentation et du mode de vie
L’alimentation exerce une influence majeure sur les odeurs corporelles en modifiant la composition des sécrétions corporelles et en fournissant des précurseurs de composés odorants :
- Aliments riches en composés soufrés : L’ail, l’oignon et les crucifères contiennent des composés soufrés qui peuvent être métabolisés et excrétés par la peau. Par exemple, l’allicine présente dans l’ail est métabolisée en sulfure d’allyle méthylique, excrété par les poumons et la peau.
- Viandes rouges : Une consommation élevée peut modifier le profil des acides gras corporels et influencer l’odeur de la sueur.
- Alcool : Sa métabolisation produit de l’acétaldéhyde, qui peut être excrété par la peau et contribuer aux odeurs corporelles.
- Épices fortes : Certaines épices comme le curry contiennent des composés volatils qui peuvent être excrétés par la peau.
Connaître les aliments qui augmentent la transpiration permet d’ajuster son régime alimentaire pour réduire les problèmes d’odeurs corporelles. D’autres facteurs liés au mode de vie peuvent également jouer un rôle :
- Tabagisme : Les composés du tabac peuvent être excrétés par la peau, modifiant l’odeur corporelle.
- Activité physique : L’exercice intense augmente la transpiration et peut temporairement amplifier les odeurs corporelles.
- Hygiène personnelle : Des pratiques d’hygiène inadéquates permettent l’accumulation de bactéries et l’amplification des odeurs.
- Choix vestimentaires : Les fibres synthétiques retiennent davantage les bactéries et les composés odorants que les fibres naturelles.
Impact du stress et des émotions
Le stress et les émotions fortes peuvent significativement influencer la production d’odeurs corporelles par plusieurs mécanismes :
- Activation des glandes apocrines : Le stress émotionnel stimule spécifiquement les glandes apocrines via le système nerveux sympathique, produisant une sueur plus riche en substrats pour les bactéries.
- Modification de la composition de la sueur : Le stress peut altérer la composition biochimique de la sueur, augmentant sa teneur en protéines et en lipides.
- Augmentation de la température corporelle : Les états émotionnels intenses peuvent élever la température corporelle, augmentant ainsi la transpiration globale.
- Altération du microbiote cutané : Le stress chronique peut modifier l’équilibre du microbiote cutané, favorisant la prolifération de bactéries produisant des composés plus odorants.
Comprendre le lien entre stress et transpiration est essentiel pour développer des stratégies de gestion efficaces. Des techniques de gestion du stress comme la méditation, la respiration profonde ou l’activité physique régulière peuvent contribuer à réduire l’intensité des odeurs corporelles liées au stress.
Facteurs génétiques et variations individuelles
Les différences génétiques expliquent en grande partie pourquoi certaines personnes produisent des odeurs corporelles plus prononcées que d’autres, indépendamment de leur hygiène personnelle ou de leur environnement.
Le rôle du gène ABCC11
Le gène ABCC11 joue un rôle crucial dans la détermination des odeurs corporelles. Ce gène code pour une protéine de transport membranaire qui influence la sécrétion de précurseurs odorants dans la sueur apocrine :
- Polymorphisme 538G>A : Cette variation génétique (rs17822931) entraîne une perte de fonction de la protéine ABCC11. Les individus homozygotes pour l’allèle A (génotype AA) produisent significativement moins d’odeurs corporelles que ceux portant l’allèle G.
- Distribution ethnique : La fréquence de l’allèle A varie considérablement selon les populations. Elle est particulièrement élevée dans les populations d’Asie de l’Est (80-95% chez les Coréens, Chinois et Japonais) et beaucoup plus faible dans les populations européennes et africaines (moins de 20%).
- Phénotype associé : Les porteurs du génotype AA présentent également un cérumen sec (cire d’oreille), contrairement au cérumen humide observé chez les porteurs de l’allèle G.
Cette variation génétique affecte la structure et la fonction de la protéine ABCC11, réduisant la sécrétion de composés odorants par les glandes apocrines. C’est l’un des exemples les plus clairs de l’influence génétique sur les odeurs corporelles.
Complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) et odeurs
Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), un groupe de gènes impliqués dans la réponse immunitaire, influence également les odeurs corporelles de manière significative :
- Signature olfactive unique : Les gènes du CMH contribuent à créer une « empreinte olfactive » propre à chaque individu, aussi distinctive qu’une empreinte digitale.
- Sélection de partenaires : Des études ont montré que les humains peuvent détecter et sont souvent attirés par des partenaires potentiels ayant un CMH différent du leur, ce qui favoriserait la diversité génétique de la descendance.
- Influence sur le microbiote : Les variations du CMH peuvent affecter la composition du microbiote cutané, modifiant ainsi indirectement le profil des odeurs corporelles.
Ces mécanismes évolutifs suggèrent que les odeurs corporelles ont pu jouer un rôle important dans la communication non verbale et la sélection sexuelle tout au long de l’histoire humaine.
Variations métaboliques individuelles
Au-delà des facteurs génétiques spécifiques, diverses variations métaboliques individuelles peuvent influencer la production et la composition des odeurs corporelles :
- Taux métabolique basal : Les personnes ayant un métabolisme plus élevé peuvent transpirer davantage, augmentant potentiellement l’intensité des odeurs corporelles.
- Efficacité de détoxification hépatique : Des variations dans les enzymes de détoxification hépatique peuvent affecter la manière dont le corps métabolise et élimine certains composés odorants.
- Composition corporelle : Le ratio masse grasse/masse maigre peut influencer la production et la rétention des composés odorants.
- Variations enzymatiques : Des polymorphismes dans les gènes codant pour diverses enzymes métaboliques peuvent modifier la production de précurseurs d’odeurs.
Ces variations métaboliques expliquent pourquoi certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à l’impact de facteurs environnementaux comme l’alimentation ou le stress sur leurs odeurs corporelles.
Microbiote cutané et production d’odeurs
Le microbiote cutané joue un rôle central dans la transformation des sécrétions corporelles inodores en composés volatils odorants. Cette communauté microbienne complexe varie considérablement entre les individus et les différentes régions du corps.
Espèces bactériennes clés et leurs métabolites
Différentes espèces bactériennes contribuent spécifiquement à la production de composés organiques volatils (COV) responsables des odeurs corporelles :
- Corynebacterium spp. : Ces bactéries sont particulièrement abondantes dans les zones axillaires et produisent des enzymes lipases capables de décomposer les lipides de la sueur en acides gras volatils ayant une composante butyrique. Corynebacterium tuberculostearicum est particulièrement active dans la production de composés odorants.
- Staphylococcus spp. : Ces bactéries métabolisent les acides aminés et les lipides, contribuant à des odeurs soufrées et fromagées. Staphylococcus hominis produit notamment le 3-méthyl-3-sulfanylhexan-1-ol (3M3SH), un thioalcool puissant responsable d’odeurs caractéristiques.
- Cutibacterium acnes : Anciennement connue sous le nom de Propionibacterium acnes, cette bactérie anaérobie se trouve principalement dans les glandes sébacées et produit de l’acide propionique, donnant une odeur aigre.
Le tableau ci-dessous présente les principales voies métaboliques impliquées dans la production d’odeurs :
Espèce bactérienne | Substrat | Voie métabolique | Produit odorant |
---|---|---|---|
Corynebacterium spp. | Triglycérides | Lipolyse (Lipases A et B) | Acides gras volatils (butyrique, isovalérique) |
Staphylococcus hominis | Précurseurs contenant de la cystéine | Dégradation de la L-cystéine | 3-méthyl-3-sulfanylhexan-1-ol (3M3SH) |
Cutibacterium acnes | Acides aminés (leucine) | Désaminase | Acide propionique |
Facteurs influençant l’équilibre du microbiote
La composition du microbiote cutané est influencée par de nombreux facteurs, qui peuvent indirectement affecter la production d’odeurs corporelles :
- pH cutané : Le pH de la peau influence significativement quelles espèces bactériennes peuvent prospérer. Un pH plus acide (4,5-5,5) favorise généralement une flore cutanée saine, tandis qu’un pH plus alcalin peut permettre la prolifération de bactéries produisant des odeurs plus fortes.
- Humidité : Les zones cutanées plus humides favorisent la croissance bactérienne. L’occlusion et la transpiration excessive créent un environnement propice à la prolifération microbienne.
- Produits d’hygiène : Les savons, déodorants et antiseptiques peuvent modifier temporairement ou durablement la composition du microbiote cutané.
- Antibiotiques : L’utilisation d’antibiotiques systémiques peut perturber l’équilibre du microbiote cutané, parfois avec des effets durables.
- Âge : La composition du microbiote cutané évolue avec l’âge, notamment à la puberté lorsque l’activité des glandes apocrines augmente.
Ces facteurs expliquent pourquoi les odeurs corporelles peuvent varier considérablement selon les circonstances et les périodes de la vie.
Dysbiose et pathologies associées
Des déséquilibres du microbiote cutané (dysbiose) peuvent être associés à diverses pathologies cutanées et à des modifications des odeurs corporelles :
- Bromhidrose : Cette condition caractérisée par des odeurs corporelles particulièrement fortes est souvent associée à une surreprésentation de certaines bactéries comme Corynebacterium et Staphylococcus.
- Intertrigo : Cette inflammation des plis cutanés est souvent accompagnée d’une modification du microbiote local et d’odeurs caractéristiques.
- Pied d’athlète : Les infections fongiques comme le pied d’athlète peuvent modifier l’équilibre microbien et produire des odeurs distinctives.
- Folliculite : L’inflammation des follicules pileux, souvent associée à des déséquilibres microbiens, peut contribuer à des odeurs localisées.
La compréhension de ces dysbioses ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes, notamment l’utilisation de probiotiques cutanés ou de prébiotiques pour restaurer un équilibre microbien sain et réduire les odeurs indésirables.
Aspects environnementaux et exposition professionnelle
L’environnement joue un rôle crucial dans la production, la dispersion et l’inhalation des odeurs corporelles. Certains contextes environnementaux et professionnels peuvent amplifier ces phénomènes et leurs impacts.
Qualité de l’air intérieur et odeurs corporelles
La qualité de l’air intérieur interagit de manière bidirectionnelle avec les odeurs corporelles :
- Ventilation : Une ventilation insuffisante peut concentrer les composés organiques volatils (COV) d’origine corporelle dans l’air intérieur, augmentant leur perception et leur potentiel d’inhalation.
- Température et humidité : Des environnements chauds et humides favorisent la transpiration et l’activité microbienne cutanée, amplifiant la production d’odeurs. Ces conditions facilitent également la volatilisation et la dispersion des composés odorants.
- Matériaux absorbants : Les textiles, tapis et revêtements poreux peuvent absorber les COV corporels et les relarguer progressivement, créant une persistance des odeurs dans l’environnement.
- Interactions avec d’autres polluants : Les COV corporels peuvent interagir chimiquement avec d’autres polluants de l’air intérieur, formant potentiellement de nouveaux composés aux propriétés olfactives et toxicologiques distinctes.
Ces interactions soulignent l’importance d’une ventilation adéquate et d’une régulation appropriée de la température et de l’humidité dans les espaces intérieurs, particulièrement dans les environnements à forte densité humaine.
Contextes professionnels à risque
Certains environnements professionnels présentent des risques accrus d’exposition aux odeurs corporelles et aux COV associés :
- Secteur de la santé : Le personnel soignant est fréquemment exposé aux odeurs corporelles des patients, parfois altérées par des pathologies ou des traitements médicamenteux. Cette exposition peut être particulièrement intense dans les services de gériatrie, d’oncologie ou de soins intensifs.
- Industrie textile : Les travailleurs manipulant des vêtements usagés ou participant à des processus de nettoyage industriel peuvent être exposés à des concentrations élevées de COV d’origine corporelle.
- Transports publics : Les conducteurs et autres personnels des transports en commun sont exposés quotidiennement aux odeurs corporelles des passagers, souvent dans des espaces confinés et insuffisamment ventilés.
- Installations sportives : Le personnel des gymnases, piscines et autres installations sportives est régulièrement exposé aux odeurs corporelles concentrées.
- Services funéraires : Les thanatopracteurs sont exposés à des composés volatils spécifiques issus de la décomposition corporelle.
Ces expositions professionnelles peuvent représenter non seulement une nuisance olfactive mais aussi un facteur de stress psychologique significatif pour les travailleurs concernés.
Méthodes de mesure et d’évaluation
L’évaluation objective des odeurs corporelles et de leur présence dans l’environnement nécessite des méthodologies spécifiques :
- Chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) : Cette technique analytique permet d’identifier et de quantifier précisément les composés organiques volatils présents dans l’air ou émis par la peau. Elle est particulièrement utile pour caractériser le profil chimique des odeurs corporelles.
- Nez électronique : Ces dispositifs utilisent des capteurs chimiques et des algorithmes d’apprentissage automatique pour détecter et classifier les odeurs. Bien que moins précis que la GC-MS, ils permettent des mesures en temps réel et sur le terrain.
- Olfactométrie : Cette méthode implique l’évaluation sensorielle des odeurs par un panel de juges humains entraînés. Elle permet d’évaluer l’intensité perçue, le caractère hédonique (agréable/désagréable) et la qualité des odeurs.
- Test de Minor (test à l’iode-amidon) : Ce test colorimétrique permet de visualiser les zones de transpiration active sur la peau, aidant à identifier les régions contribuant significativement aux odeurs corporelles.
Ces méthodes complémentaires permettent une caractérisation complète des odeurs corporelles, de leur production à leur perception, en passant par leur dispersion environnementale.
Implications pour la santé et approches préventives
L’inhalation d’odeurs corporelles et des composés organiques volatils (COV) associés peut avoir diverses implications pour la santé, tant pour les individus qui les produisent que pour ceux qui y sont exposés.
Effets potentiels sur la santé respiratoire
Bien que les odeurs corporelles soient généralement considérées comme une nuisance olfactive plutôt qu’un risque sanitaire direct, certaines préoccupations existent concernant leurs effets potentiels sur la santé respiratoire :
- Irritation des voies respiratoires : Certains COV présents dans les odeurs corporelles, particulièrement les composés soufrés et les acides organiques, peuvent potentiellement irriter les muqueuses respiratoires lors d’expositions prolongées ou à fortes concentrations.
- Réactions allergiques : Des protéines présentes dans les squames cutanées (qui peuvent être associées aux odeurs corporelles) sont des allergènes connus pouvant déclencher ou exacerber l’asthme et la rhinite allergique chez les personnes sensibilisées.
- Effets psychosomatiques : La perception d’odeurs corporelles désagréables peut induire des réponses psychosomatiques comme des céphalées, des nausées ou des difficultés respiratoires, même en l’absence d’effets toxicologiques directs.
- Interactions avec d’autres polluants : Les COV d’origine corporelle peuvent potentiellement interagir avec d’autres polluants atmosphériques (ozone, oxydes d’azote) pour former des composés secondaires aux propriétés irritantes.
Ces effets potentiels restent généralement limités dans des conditions normales d’exposition mais peuvent devenir significatifs dans des environnements confinés, mal ventilés ou à forte densité humaine.
Aspects psychosociaux et qualité de vie
Les odeurs corporelles ont des implications psychosociales importantes qui peuvent affecter significativement la qualité de vie :
- Stigmatisation sociale : Les personnes souffrant de troubles comme la bromhidrose ou l’hyperhidrose peuvent être victimes de stigmatisation, d’isolement social et de discrimination.
- Impact psychologique : L’anxiété, la dépression et une faible estime de soi sont fréquemment rapportées chez les personnes préoccupées par leurs odeurs corporelles.
- Phobies spécifiques : L’osmophobie (peur des odeurs) et la bromidrosiphobie (peur de dégager des odeurs corporelles) peuvent se développer et affecter significativement le fonctionnement quotidien.
- Syndrome de référence olfactive : Cette condition psychiatrique se caractérise par la conviction persistante et infondée de dégager des odeurs corporelles désagréables perceptibles par autrui.
Ces aspects psychosociaux soulignent l’importance d’une approche holistique des problèmes d’odeurs corporelles, intégrant des interventions médicales, psychologiques et sociales.
Stratégies de prévention et de gestion
Diverses stratégies peuvent être mises en œuvre pour prévenir ou gérer les problèmes d’odeurs corporelles et minimiser leur impact sur la qualité de l’air intérieur :
- Hygiène personnelle adaptée : Un nettoyage régulier avec des produits au pH adapté peut réduire la prolifération bactérienne sans perturber excessivement le microbiote cutané.
- Gestion du microbiote : L’utilisation de probiotiques cutanés ou de prébiotiques peut favoriser un équilibre microbien associé à des odeurs moins prononcées.
- Contrôle de la transpiration : Les antiperspirants contenant des sels d’aluminium réduisent la transpiration en obstruant temporairement les canaux des glandes sudoripares, limitant ainsi le substrat disponible pour les bactéries.
- Optimisation de la ventilation : Une ventilation adéquate des espaces intérieurs est essentielle pour diluer et évacuer les COV d’origine corporelle.
- Matériaux et textiles appropriés : Le choix de vêtements en fibres naturelles (coton, lin) plutôt que synthétiques peut réduire la prolifération bactérienne et la rétention des odeurs.
- Interventions médicales : Pour les cas sévères de bromhidrose ou d’hyperhidrose, des traitements comme l’iontophorèse, les injections de toxine botulique ou la sympathectomie peuvent être envisagés.
Ces approches préventives et thérapeutiques doivent être adaptées aux besoins spécifiques de chaque individu et aux contextes environnementaux particuliers.
Innovations et perspectives de recherche
Le domaine de l’étude des odeurs corporelles, de leur production à leur inhalation, connaît des avancées significatives qui ouvrent de nouvelles perspectives tant diagnostiques que thérapeutiques.
Avancées technologiques en analyse des odeurs
Les technologies d’analyse des odeurs corporelles et des composés organiques volatils (COV) associés connaissent des progrès remarquables :
- Spectrométrie de mobilité ionique (IMS) : Cette technologie permet une détection en temps réel des COV avec une sensibilité exceptionnelle, offrant des possibilités de surveillance continue des odeurs corporelles dans différents environnements.
- Nez électroniques miniaturisés : Les avancées en nanotechnologie et en intelligence artificielle ont permis le développement de dispositifs portables capables de détecter et classifier les profils d’odeurs corporelles avec une précision croissante.
- Métabolomique ciblée : Cette approche analytique permet d’identifier des signatures métaboliques spécifiques dans les odeurs corporelles, potentiellement associées à certaines
Laisser un commentaire